Ce partage s'opère au fond tout autant autour du genre, car si les loisirs créatifs (de part leur origine) descendent des ouvrages de dame, ils s'actualisent dans le scrapbooking qui s'inscrit encore dans une domesticité féminine, là où le bricolage conserve trop souvent, qu'on le veuille ou non des caractères de masculinité.(1) D'ailleurs cette distinction entre féminin et masculin résonne en écho avec la précédente, tant il est encore commun de voir une même activité restée ménagère pour les femmes et devenir professionnelle pour les hommes (la cuisine bien sûr, la couture encore, mais le jardinage tout autant). Les Corsos de l'artiste Renaud Héléna intègrent cette distinction au cœur même de leur origine. Dans mon enfance, la confection des chars de carnaval (corso) commençait toujours avec les réunions pour confectionner les fleurs en papier crépon. Activité féminine par “essence”, on complimentait la délicatesse de mes fleurs, talent rare chez des mains de garçon selon le jury. Les hommes s’occupaient de l’armature, utilisant avec une certaine indifférence tout volume propice a supporter le volume. (2)
Cette opposition du dur et du mou, ou du rigide et du souple appuyée par le genre de leurs auteurs évoque l'ancien épisode de la querelle du coloris, cousine moins connue de la querelle des anciens et des modernes. Car qu'en était l'objet ? Déterminer qui du dessin ou de la peinture, dans l'ordre des hiérarchies académiques, était supérieur à l'autre. Cette polémique qui perdura jusqu'au début du 20ème siècle (3) opposait la solidité du dessin à l'expressionnisme de la couleur, allant même jusqu'à genrer chacun dans leurs allégories respectives (masculine pour le dessin, féminine pour la couleur).
Il subsiste quelque chose de cette opposition dans la série de gouaches Selfhelp de Renaud Héléna et leur télescopage de surfaces peintes à la main et de textes sérigraphiés. Si ces œuvres font référence aux méthodes de développement personnel (discipline approximativement liée aux loisirs-créatifs à en croire le voisinage des mandalas à colorier et de la pâte à sel dans les rayons des boutiques spécialisées), elles illustrent aussi certaines préoccupations de l'artiste qui jongle entre l'esthétique froide des formes industrielles, des espaces/objets purement fonctionnels, la perfection du trait vectoriel d'un coté et de l'autre, la fragilité de la gouache et du fusain.(4)

Steven le Priol
pour l'exposition ÉTANT DONNÉS :1-LES PAILLETTES 2-LE PAPIER MÂCHÉ à PAMELA Artist-Run Space

1 : Comme le dit Renaud Héléna : Il existe des perceuses roses bien sûr, mais les clichés sont toujours là.
2 : Renaud Héléna.
3 : André Lhote (1885-1962), théoricien du cubisme analytique, fait encore référence à cette querelle quand il oppose la rigueur de la construction cubiste aux errements colorés du fauvisme ou de l'impressionnisme.
4 : Renaud Héléna.